La tannerie Loiselle

» Voir aussi : Diaporama de la tannerie Loiselle

Dès le début de sa fondation, Upton devenait un centre important dans le domaine de la tannerie. En effet, la famille Miller s’était déjà installée à Upton, dans les années 1860.

J.J. Miller avait mis au point et fait breveter  un procédé pour fabriquer du tannin à partir de l’écorce de pruche. Ce produit était utilisé pour faciliter le tannage des peaux et la demande était forte pour le cuir en cette période, soit pour les harnais des chevaux ou bien pour les souliers.

Il n’en fallait pas moins pour voir s’installer l’industrie de la tannerie à Upton.

Quelques tanneries virent le jour, dont la tannerie Cardinal qui était située sur la rue des Commissaires, mais la plus importante fut la tannerie Loiselle et dont nous vous racontons sa petite histoire.

En 1885, Mr. David Lemay, maître cordonnier, arrivait du village de l’Égypte et achetait une maison située du coté ouest du pont du village, près de la rivière. Il utilisa un hangar voisin pour y faire de la chaussure de travail en «cuir français», avec l’aide de quatre de ses garçons. Il faut dire qu’il était père d’une famille de 12 enfants.

En 1888,  réalisant qu’il serait plus profitable de faire le cuir, plutôt que de l’acheter, il décida de se construire une tannerie. À  cette époque, les chaussures étaient entièrement fabriquées à la main. Un bon cordonnier pouvait faire trois ou quatre paires par jour.

En cette année de 1888, un jeune homme nommé Raphael Loiselle arrivait des Etats-Unis où il avait passé neuf ans de sa jeunesse. M. Lemay l’engagea comme apprenti cordonnier à la condition qu’il donne deux mois de temps sans salaire, et gagnerait $2.50 par mois par la suite, s’il était jugé compétent. Habile de ses dix doigts et sage de conduite, le jeune Loiselle gagna non seulement la confiance de son patron, mais aussi le cœur de l’aînée de ses filles qu’il épousa en 1890 et qui lui donna quatorze enfants.

En 1898, Mr. Lemay décida d’aller s’installer à Acton Vale. Il vendit ses propriétés à son gendre : Raphael Loiselle.

Le 6 février 1899, Mr. L. Zacharie Phaneuf, marchand  au village d’Upton, se mit en société avec Mr. Loiselle, sous la raison sociale : PHANEUF & LOISELLE.  Les affaires marchèrent si bien que le 21 mars 1904,  trois employés décidèrent de verser une mise de fonds pour faire partie de la société sous la nouvelle raison sociale : «PHANEUF-LOISELLE y Cie». Ce qui permit d’agrandir la manufacture de la partie sud et d’embaucher un personnel plus nombreux. Mr. Phaneuf vendit son magasin pour s’occuper du bureau et des expéditions. Mr. Loiselle s’occupait plus particulièrement de la tannerie.

En 1912, il fut décidé de mécaniser la fabrication de la chaussure en installant des machines pour fixer les semelles à la cheville de bois et de poser les talons en une seule opération. Ce qui causa la perte de quelques vieux employés. Par contre, il fut possible d’embaucher nouvelles mains pour porter leur nombre à 25 et même jusqu’à 30 employés.

Jusque vers 1918, on pouvait voir, au cours de l’hiver des caravanes formées de 10 à 12 «sleighs» chargés d’écorces de pruche pour approvisionner la tannerie. Il en venait de St-Nazaire, St-Eugène, St-Germain, St-Guillaume, Roxton Falls et autres paroisses environnantes.

Cette écorce était broyée et bouillie dans de grandes cuves extérieures. Le jus était déversé dans des carrés où les peaux séjournaient tant qu’elles n’étaient pas entièrement pénétrées par le tannin. Opération qui durait de trois à six mois. Ensuite le cuir était fini à l’huile de morue pure. Ce qui le rendait souple et étanche. Toutes les bottes, mocassins et bottines de travail étaient vendues avec la garantie qu’elles  demeureraient étanches si elles étaient entretenues avec l’huile animale, ou l’huile de morue qu’on vendait aux clients.

Le personnel de la manufacture contribuait à mettre de l’activité dans le village. L’hiver, une grande glissoire était entretenue qui partait du champ voisin de la tannerie et descendait sur la rivière et la longeait en passant sous les deux ponts. La rivière fournissait aussi les patinoires ou les couples évoluaient à qui mieux mieux au clair de la lune.

Vint la grande guerre de 1914 avec sa conscription et la perturbation des affaires. Pas assez considérable pour obtenir des contrats du gouvernement, la compagnie décida de dissoudre en 1916. Raphael Loiselle prit le risque d’acheter tout le commerce et de continuer à opérer seul la tannerie et la manufacture avec un personnel considérablement réduit. Heureusement, Mr. B. Bélanger, propriétaire de « La Victoire Shoe» de St-Hyacinthe, s’engagea à acheter toutes les chaussures  que Mr. Loiselle pourrait produire. Ce fut une course au travail. Les employés consentirent à travailler le soir, jusqu’à dix heures, après avoir fait leur journée de dix heures. Admirable esprit de collaboration.

En 1919, la guerre était terminée et « La Victoire Shoe» cessa d’acheter la production de chaussures. Il fallait trouver un autre débouché. La vente chez les marchands, par visites avec échantillons, n’obtint pas le succès désiré. C’est alors que Mr. Loiselle se tourna vers la classe agricole. Il offrit de tanner les peaux dont les cultivateurs disposaient, pour répondre à leurs besoins de cuir sur la ferme, en harnais ou chaussures. Une circulaire illustrant les principaux modèles de chaussures, et donnant les prix du tannage, fut distribuée et des annonces parurent dans les journaux agricoles comme « La Ferme », « La Terre de chez Nous » et le « bulletin des agriculteurs ». Cette circulaire illustrait les bottes rondes, les bottes lacées, les bottines de travail à semelles doubles et simples, les bottes mocassin pour hommes, garçons et enfants. Bottines lacées pour femmes et filles, aussi souliers rouges ou noirs pour femmes et filles. Bonnes mitaines.

Le résultat fut merveilleux. Des peaux vertes arrivaient de tous les coins de la province. Une fois le cuir prêt, un grand nombre de clients commandaient des harnais ou parties de harnais ainsi que des chaussures à faire dans leur cuir. Il fallut engager un sellier d’expérience qui faisait toutes les coutures à la main.

Après la deuxième guerre mondial, les fermes commencèrent à se mécaniser, et les chevaux se firent de plus en plus rares. Les besoins de cuir étaient moins grands chez les cultivateurs.

Le 29 mars 1951, Mr. Raphael Loiselle, alors âgé de 83 ans, vendit son commerce à son fils Gaston, lequel était au bureau depuis 25 ans. Il s’occupait aussi de recevoir les peaux et de faire les expéditions.

En 1957, la réception des peaux vertes étant devenue presque nulle, Gaston Loiselle se trouva une autre occupation et décida de fermer boutique.

Ainsi se termine l’histoire d’une industrie qui a fait sa marque dans la localité d’Upton. Elle eut ses années de prospérité comme ses temps difficiles. Elle fut maintenu durant 60 ans, grâce au travail ardu, au courrage et à la persévérance de son principale propriétaire. Après une vie exemplaire, Mr. Raphael Loiselle décéda le 17 octobre 1958 à l’àge de 90 ans et 6 mois.

En guise de témoignage aux dévoués employés, suit la liste des noms de la plupart d’entre eux :

Sellier : Mr. Alfred Marois,

Couseurs de mocassins: Siméon Aubin, Napoléon Barbeau, Ernest Aubin, Azarie Ledoux, Pierre Ledoux et Rodolphe Maurais,

Chauffeur de bouilloire : Joseph Berthiaume,

Tanneurs : Joseph Houle, Ferdina Houle,Josehp Coderre dit Lacaillade,Joseph Guillmain, Pierre Lefebvre, Joseph Lusignan, Louis Collette, Joseph Blais, Arthème Loiselle, Elphège Loiselle, Georges Deslandes, Georges H. Loiselle, Alphonse M. Loiselle, Marcel Dorais, Léonard Morin et Julien Goyette,

Cordonniers : Louis Chabot, Georges Bélair, Alfred Gauthier Ed. St-Georges, Albert Marcil, Edouard Morin (père), Joseph Larose, Alex Paquette, Athanase Viau, Alphonse Choinière, Joachin Petit, Louis Senécal,  Dieudonné Lamothe, Léonidas Beauchemin, Alfred Fréchette, Esdras Lafalmme, David Petit, Adélard Guilmain, Armand Hotte, Philias Loiselle, Laurent Loiselle, Paul Lefebvre, Marc Savoie, Emery Morin, Edouard Morin(fils), Arthur Gagnon, Conrad Lapierre, Gérard Savoie, Ch. Edmond Hotte, Alphée Loiselle, Joseph Roy, Amédée Fafard, Robert Desmarais, Paul Lapierre, Louis Léo Viau et autres….

Ce texte est tiré d’un document écrit par Marc- Aimé Loiselle, le 23 mars 1970.

7 réponses à La tannerie Loiselle

  1. J’ai lu avec un grand intérêt le texte sur la Tannerie Loiselle où mon père Conrad Lapierre y a travaillé pendant plusieurs années…

    Je me souviens d’y être déjà allée à quelques reprises avec lui…et l’odeur du cuir me revient…

    Je me rappelle aussi les belles glissades sur la rivière avec mes frères et soeurs et nos amis….Quel plaisir !

    Merci d’avoir ravivé en moi ces merveilleux souvenirs….c’était le bon temps

    Jeannine Lapierre

  2. Jeannine Bouchard dit :

    Ce document est merveilleux, je suis la petite-nièce de Mgr Desmarais et M. Gaston Loiselle a marié la soeur de mon grand-père Albert.

    Petite j’avais très peur de ce monsieur imposant portant une grosse moustache. J’ai mieux connu son fils Marc-Aimé, qui était devenu prêtre.

    Je suis tellement contente de découvrir la famille Loiselle à travers cet exposé.
    Merci beaucoup de partagé ces précieuses informations.

    • pbernard dit :

      bonjour,

      merci pour ces bons commentaires. Pour ce qui est de Marc-Aimé, il est vrai qu’il était une bonne personne. Je l’ai cotoyé à quelques reprises et il a fait ses études au séminaire en même temps que mon père.
      Si vous possédez des photos qui ont trait au village d’Upton ou de la famille Desmarais et Loiselle, nous serions heureux au musée de les voir.

      Merci pour l’intérêt porté à notre musée et site web. Le musée physique est ouvert en été les dimanches, il vaut le détour.

      au plaisir

      Pierre Benard
      directeur du musée Saint-Éphrem

      • Mario Perreault dit :

        Bonjour,
        Avez-vous des informations sur la tannerie de Napoléon Cardinal.
        Vous dites qu’elle était sur la rue des Commissaires, les bâtiments existent-ils encore, et si oui, où sont-ils?
        Merci de me répondre!!!
        Mario Perreault
        St-Pie

        • pbernard dit :

          bonjour,

          Pour ce qui est de la tannerie Cardinal, elle était bien sur la rue des Commissaires qui est devenue aujourd’hui , la rue Saint-Éphrem. La raison est que nous avons différentes cartes d’Upton
          et nous pouvons la situer. Par contre, j’aimerais savoir votre lien avec la tannerie Cardinal?
          Nous sommes toujours à la recherche de différentes informations concernant notre histoire.
          Pour l’existence de bâtiments, non, ils n’existent plus.
          Par contre, il y a eu aussi une autre tannerie, soit la tannerie Loiselle qui a durée plus longtemps et dont nous avons pu reconstituer une bonne partie de son histoire grâce à des gens qui ont pu nous
          la relater. JE vous invite à visiter notre page relatant son histoire sur notre site. http://museestephrem.com/histoire/la-tannerie-loiselle/
          dans l’attente de vos commentaire, recevez mes salutations
          Pierre Bernard
          directeur du musée St Éphrem

          • Mario Perreault dit :

            Bonjour,
            Napoléon Cardinal est mon arrière-arrière-grand-père.
            Son fils Henri Cardinal (mon arrière-grand-père) s’est marié à Upton.
            Mario Perreault
            St-Pie

  3. Andre Caya dit :

    Merci `a tous ceux qui participent au musee. J`ai appris plein de choses sur ma famille.
    Andre Caya, fils de Claire Loiselle (sur la photo de famille, elle a 5 ans) .

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